29 avril 2007

Still Life et le cinéma asiatique

Le film de Jia Zhang Ke, Still Life sort la semaine prochaine. Je profite de l'occasion pour dire tout le bien que j'en pense puisque j'ai eu la chance de le voir au Festival de Cinéma Asiatique qui s'est tenu à Deauville à la fin du mois de Mars.
Je n'y ai passé que deux jours et demi, à ce festival, juste le temps de me gaver de films, sans même arriver à satiété. Signe sans doute de la qualité de la programmation.

En dehors d'un hommage à James Lee (?) et Park Chan-Wook dont le dernier film I'm a cyborg but that's OK , intriguant et quasi surréaliste, n'a plus rien à voir avec sa trilogie sur la vengeance, il y avait deux compétitions parallèles, l'une consacrée aux films d'auteurs, l'autre aux films d'action, ce qui permet d'alterner les séances sans jamais se lasser. En complément étaient présentés des films déjà primés dans d'autres festivals. Un grand choix; un bon choix.

Côté cinéma d'auteur, le prix a été à Apichatpong Weerasethakul pour Syndromes and a century qui est, bizarrement le film que j'ai le moins apprécié. Trop conceptuel pour ne pas être ennuyeux !
En revanche j'ai beaucoup aimé Ad Lib Night du Coréen Lee Yoon-ki , étrange aventure d'une nuit, dans une famille en deuil; Route 225 du Japonais Nakamura Yoshihiro, intriguant et même perturbant pour les esprits trop rationnels; I dont want to sleep alone du Taiwanais Tsai Ming-Liang, qui se passe à Kuala Lumpur dans le milieu des travailleurs immigrés venus du Bangladesh, démunis parmi les plus démunis, mais pas pour autant dépourvus d'humanité. Un film violent, parce que la misère est toujours violente, mais aussi parce que les sentiments sont d'autant plus violents qu'ils ne parviennent pas à s'exprimer par la parole . Une plongée dans les bas-fonds, façon Gorki aisatique.

Mais les films qui m'ont le plus intéressée sont les films chinois ... est-ce vraiment une surprise?
Teeth of Love de Zhuang Yuxin suit pendant une décennie une jeune femme à la personnalité affirmée mais que la vie va peu à peu casser. Libre à chacun d'y voir une métaphore de l'évolution politique de la Chine.
Lost in Beijing de Li Yu, une jeune réalisatruce originaire de Shan Dong : un portrait au vitriol de la nouvelle société chinoise dont toutes les valeurs vacillent devant la valeur suprême : l'argent ! Aucun des quatre personnages ne sort indemne de cette histoire de harcellement, de viol, de chantage, alors qu'au départ il devait être question d'amour!
Still Life de Jia Zhang Ke qui a déjà une sérieuse filmographie derrière lui (Pickpocket, Platform, Plaisirs inconnus, The world). Le titre chinois Sanxia Haoren, qui peut se traduire par Les braves gens des Trois Gorges est parfaitement explicite. L'intrigue - un mineur à la recherche de sa femme partie travailler iol y a seize ans sur le chantier du barrage - sert de fil conducteur à un récit qui s'attache avant tout à montrer les conséquences de cette construction pharaonique sur la population de la région. Rien que nous ne sachions déjà, mais le film le montre avec une force qui nous laisse abasourdis à la porte du cinéma, qui nous laisse surtout sans illusion sur l'état de la société chinoise.

A côté de Still Life, The Restless de Cho Dong-ho, Dragon Tiger Gate de Wilson Yip ou même The City of Violence de Ryo Seung-Wan sont purs divertissements : splendides visuellement, ils enchaînenet combats réglés au millimètres, effets spéciaux et pyrotechnies époustouflantes pour le plus grand plaisir du spectateur sans cesse tenus sur des charbons ardents mais dont la vie n'est pas pour autant remise en question. Rien à voir avec Still Life.


Toutefois, en attendant d'aller voir Still Life, vous pouvez aller voir Très bien, merci d'Emmanuelle Cuau. histoire de bien réfléchir au type de société dans laquelle vous voulez vivre. Allez y avant... dimanche par exemple !

26 avril 2007

Lire et jardiner

Avec ce beau temps insolent qui s'est installé depuis des semaines, il est de plus en plus difficile de trouver du temps pour tout : lire, écrire, aller au cinéma, voir des ami(e)s et ... jardiner !
Surtout jardiner ! Tâche sans fin !
Mais je n'ai pas dit mon dernier mot et les deux derniers bouquins que je viens de découvrir devraient m'aider.

Le premier est intitulé Jardin sans eau. Il est publié aux éditions Edisud dans la collection Jardins Défis : Tout un programme ! L'auteur, Brigitte Lapouge propose toutes sortes de solutions pour réduire les arrosages et donc économiser à la fois l'eau et mon temps ! Une bonne idéee non ? Et apparemment un thème vendeur car vient de sortir chez Actes Sud, Un Jardin sans arrosage d' Olivier Filippi, que je n'ai pas encore eu l'occasion de parcourir. Demain sans doute... après avoir planté les deux pieds de tomate et le pot de menthe marocaine achetés samedi dernier à la foire aux plantes d'Aiguebelette ... taillé le genèvrier, biné les rosiers, tuteuré les pivoines, ratissé les fleurs de glycine, désherbé le petit talus, nettoyé l'escalier....

Le second est encore plus prometteur : Jardiner Cool de Tobias Gold et Martina Baümler qui dès la couverture remplacent "jardiner" par "Lézarder. Flemmarder. Se la couler douce . En faire moins pour en profiter plus ...."
A vrai dire les deux auteurs abuse un peu de l'adjectif "cool" et mine de rien il reste encore beaucoup à faire au jardin, mais ce qui m'intéresse particulièrement dans ce livre, c'est l'inventaire des plantes "cool", celle qui poussent sans caprices et sans chichis.

Question impertinente : si je suis tous les bons conseils de ces astucieux jardiniers, est-ce que je récupérerai suffisamment de temps pour tenir plus régulièrement mon blog ?

Mais voici un dernier titre qui ralliera, j'en suis certaine, tous les suffrages : Un Jardin pour les Oiseaux, sous-titré Attirer les amis, éloigner les indésirables et signé Gérard Grolleau.


Lire ou jardiner, est-ce là mon dilemme ? Pas demain en tout cas, car la pluie tant attendue va enfin mettre un terme à cette insoutenable légèreté de l'air .

17 avril 2007

Azouz Begag

J'ai passé une grande partie de mon dimanche à lire le dernier livre d'Azouz Begag : Un mouton dans la baignoire et je reste perplexe. Car ce livre pose finalement plus de questions qu'il n'apporte de réponses.
Il est présenté par les médias comme un "brûlot anti-sarkozyste"; sans doute ! Mais l'antinomie entre Sarkozy et Villepin est connue depuis longtemps et l'on n'est pas vraiment surpris d'apprendre que l'agressivité de Sarkozy s'exerce non seulement vis à vis de Villepin mais vis à vis de son entourage, dont Begag.

Qu'ai-je appris que je ne savais pas ?
Dès sa nomination, je me suis demandée ce que Begag allait faire dans cette galère. Car depuis la parution du Gone du Chaaba, je me suis intéressée au parcours de cet enfant des bidonvilles devenu brillant universitaire et écrivain corrosif. Son entrée en politique relève certainement d'une envie d'agir et de contribuer à atténuer les inégalités de la société française, mais c'est aussi pour lui un nouveau défi à relever, histoire de vérifier qu'il n'y a pas d'obstacle qu'il ne puisse franchir. Une aventure personnelle en quelque sorte dont le prix à payer est démesuré. Le mouton dans la baignoire, c'est celui qu'on égorge pour la fête de l'Aïd el Kebir ! Et Begag fait souvent figure, dans cette histoire, de victime expiatoire. Fier d'être ministre, de se déplacer en voiture avec chauffeur, accessoirement précédés de motards, fier de côtoyer des gens importants, des gens célèbres, Begag n'oublie pas pour autant ses origines. C'est son côté : "t'as vu d'où je viens et t'as vu où je suis".

J'ai donc la réponse à ma première question. La réponse à la deuxième question : "Pourquoi est-il resté ?" est assez vite trouvée : par fidélité à Villepin à qui il doit sa place et qu'il admire, par fidélité à lui-même et indirectement aux gens vis à vis desquels il s'est engagé : les femmes, les handicapés, les vieux, les immigrés, puisqu'il est ministre non pas de l'immigration mais de l'égalité des chances. Rester au gouvernement, malgré les avanies et les insultes c'est aussi continuer de faire face, refuser de tourner les talons dès les premières difficultés. Quitte à s'en rendre malade !

Viennent ensuite d'autres questions en rafale : les moeurs politiques sont-il réellement aussi féroces et les hommes politiques prêts à tous les coups tordus pour servir leurs seules ambitions ? J'ai du mal à le croire. Le rôle joué par les médias est-il aussi important que cela ? Qu'il soit important de faire savoir ce que l'on fait en politique, j'en conviens mais que la médiatisation d'une fonction finisse par devenir plus importante que la fonction me paraît inquiétant. Accorder tant d'importance à la médiatisation de son action n'est-ce pas faire glisser le pouvoir du côté des médias plutôt que des hommes politiques ? Comment se faire une place au milieu des loups quand rien dans votre vie précédente ne vous y a préparé ? Un vrai pêle-mêle de questions que je n'ai pas encore fini de débrouissailler.

Mais toutes ces questions aboutissent finalement au grand dilemne des écrivains tentés par la politique ? Où se situer si l'on veut être efficace ? Hugo, Zola, Malraux, Camus, Mauriac, Hemingway... ils sont nombreux à s'être posé la question. La réponse est loin d'être évidente et chacun peut se tromper.

16 avril 2007

Bruges

Pour évoquer Bruges - où nous nous sommes brièvement arrêtés à l'occasion d'une escapade printanière, il n'y a que deux solutions :

la carte postale

(signée Marc Boseret et publiée aux éditions Artistic wies)

puisque la ville - et ses canaux - est (presque) aussi connue que sa rivale italienne !


ou le détail insolite


une rampe d'escalier qui aurait pu être photographiée n'importe où !

Il y a bien sûr la possibilité aussi de se référer aux musées, en particulier celui de Memling, enfant de la cité ou celui... du chocolat ! Mais je crois que de Bruges je garderai surtout le souvenir des béguinages ...

qui, même redevenus simples lieux d'habitation, gardent quelque chose de leur sérénité originelle.

Sérénité : un terme qui convient bien à cette ville.

Et qui convient tout aussi bien à La Galleria, délicieuse maison d'hôtes où nous avons, trop brièvement logé. L'accueil y est charmant, les chambres ravissantes, le petit déjeuner délicieux et cerise sur le gâteau, La Galleria est aussi, comme vous pouviez vous en douter, une galerie d'art.
http://www.lagalleria.be/fr/bienvenue.php
Une adresse à glisser toutes affaires cessantes dans votre agenda !

13 avril 2007

Impossible de quitter le Laos sans parler de livres !
Deux seulement, petits et peu encombrants, mais qui accompagnent parfaitement le voyage.

Sao Keo ou le bonheur immobile de Pierre Billotey est un roman d'amour autant qu'un roman d'aventures. Deux destins parallèles, deux hommes ensorcelés par le Laos et qui vivent, à vingt années d'écart la même histoire ! Un roman à la Somerset Maugham, publié en 1930 et réédité chez Kailash en 1999.
J'ai déjà parlé de cette maison d'édition de Pondichery qui s'est spécialisé dans la réédition de vieux romans exotiques, romans "coloniaux" pour la plupart. Des livres plaisants à lire autant qu'à regarder et à manipuler (format, choix du papier, du cartonnage, du dessin de couverture...) Le livre une fois reposé, il reste le sentiment d'avoir un peu mieux compris l'esprit d'une époque.

Le deuxième livre est simplement intitulé Le Laos. Il s'agit d'un récit de voyage époustouflant parce qu'effectué par une femme, Isabelle Massieu, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'avait pas froid aux yeux ! Entre Décembre 1896 et Mars 1897, elle entreprend de rejoindre Hué, ancienne capitale du Vietnam, en partant de la Birmanie et par conséquent en traversant le Laos. Seule ! On se plaint de l'état des routes laotiennes mais en 1897, il n'y avait tout simplement pas de routes : le voyage s'est donc effectué par voie fluviale (rapides compris) jusqu'à Luang Prabang puis en taillant une piste à travers la jungle. "J'ai renoncé aux voies d'eau pour quitter Luang Prabang [...] Donc, à cheval, et malgré les tigres ! Go ahead ! " Et ce n'est pas de la frime ! Car elle l'a vraiment fait ...
Qui était Isabelle Massieu ? Impossible d'en savoir plus que ce que nous en dit l'éditeur, c'est à dire trois fois rien. Le Net est pour une fois muet ! Pourtant le personnage est sacrément intriguant ! Intrépide sans aucun doute ; mais contrairement à Ella Maillart, très centrée sur elle-même, Isabelle Massieu ne cesse d'analyser, de comparer, de commenter. Une simple voyageuse ? une observatrice chargée de mission ? mais par qui ? une espionne ? au service de qui ?
Le livre est publié aux éditions Magellan et Cie, dans une collection intitulée Heureux qui comme ... dont les astucieux directeurs dénichent de vieux récits de voyage inédits et souvent passionnants. Celui-ci m'a paru exceptionnel, peut-être simplement parce qu'il s'accordait bien avec l'esprit du voyage.

10 avril 2007

Encore des adresses ?

Oui, mais en vitesse car il serait peut-être temps de passer à autre chose.

Laos, a weavers dream ? Sans aucun doute ! Le Laos est un pays de tisserands et, par conséquent, un pays pour les passionnés de tissage, ou plus simplement pour tous ceux que les textiles intéressent.
Pas un village "ethnique", pas un marché sans métier à tisser et démonstration de tissage (ou de broderie ! ) On retrouve ensuite, dans les boutiques de Luang Prabang ou de Vientiane, le meilleur de la production : des ateliers - souvent dirigés par des Occidentaux - qui sélectionnent fils, couleurs, motifs. Difficile de toujours résister à la tentation.
Une petite sélection de sites, en attendant d'aller voir sur place ?
http://www.ockpoptok.com/index.php/home
http://www.fibre2fabric.org/index.htmlhttp://www.laotextiles.com/
http://www.artofmekong.com
http://www.carusolao.com/
http://www.kopnoi.com/
Ces deux derniers sites sont "en construction" mais allez faire un tour sur
http://www.ecotourismlaos.com/activities/act_handicrafts.htm, vous y trouverez un répertoire complet de l'artisanat laotien.
(J'aurais bien craqué pour ces trois bouddhas dorés ! Et tant qu'à faire pour le panneau tissé sur lequel ils se détachaient si bien ! A défaut je les ai photographiés...)

Et si le tissage et les textiles ne vous passionnent pas plus que cela, arrêtez-vous à Books and tea où vous pourrez faire oeuvre utile en apportant les livres déjà lus qui pèsent si lourd dans vos bagages. D'autres en profiteront à coup sûr.
Vous pouvez également passer à Big Brother Mouse et faire provision de livres à offrir aux enfants que vous rencontrerez au gré de vos prégrinations.
http://www.bigbrothermouse.com/index.html

Mais comme il est difficile de toujours avoir la tête bien pensante et qu'en voyage la mienne est souvent futile, voici pour terminer, une autre vitrine qui m'a bien plu, celle de la fleuriste de Luang Prabang !

Pas tout à fait aussi spectaculaire que celle de Guylaine, ma fleuriste préférée, mais pas mal quand même !

Les bonnes adresses de Luang Prabang ?

Les guides sont faits pour en donner. Mais à Luang Prabang, nous avons eu le temps de nous poser assez longtemps pour en apprécier certaines plus que d'autres et en découvrir quelques unes qui ne sont pas encore dans les guides.

Un quartier ? sans hésiter, le vieux quartiers français, en gros entre l'école située juste à côté de la Villa Santi, au début de la rue Sakkarine et le bout de la péninsule. Un quartier proche de tout, mais assez loin du tohu-bohu de Sisavangvong; un quartier comme un village avec ses petites échoppes, ses boutiques, chics ou moins chics, ses hôtels classsieux et ses maisons d'hôtes beaucoup plus modestes; un quartier comme un village avec ses petits jardins, ses coqs (bruyants les coqs !), ses enfants qui jouent dans la rue avant d'aller à l'école, les étudiants des Beaux-Arts qui s'essayent à la peinture devant motif. Quelle que soit l'heure, il y a toujours quelque chose pour accrocher le regard, pour éveiller la curiosité ...

les galettes déposées sur des panneaux de bambou qui sèchent au soleil,

les poubelles fabriquées dans de vieux pneus, qui attendent d'être ramassées...






le va et vient des tucs-tucs, des vélos, des passants; le vieux fou qui arbore casque colonial et sarong un jour, capote militaire et bonnet de laine le lendemain ...



Un café ? sans hésiter, le Ban Sene http://www.elephant-restau.com/FR/liens.htm juste en face de l'école. Facile à trouver et des tas de raisons pour en faire son QG ! En voici déjà trois :
- La tarte au citron : un régal ! Aussi bonne que celle d'Odile ce qui n'est pas rien.
- En terrasse ou à l'intérieur ? Qu'importe puisque les portes sont grand ouvertes. Il suffit d'ouvir les yeux et de laisser traîner ses oreilles : entre l'école et la rue, le spectacle est permanent.
- Les serveurs sont non seulement aimables et efficaces, mais ... très beaux !
Pourtant la vraie raison de notre assiduité tient en deux mots : Le Monde ! Oui, c 'est ici que tous les jours, sous un prétexte ou un autre - un petit coup de fatigue, une grande soif - nous allions nous poser, le temps de lire, imprimée en grand format, la version Internet du journal . Le Monde en même temps - peut-être même avant- qu'à Paris : pour un provincial, quelle conquête !

Un restaurant ? Classique et classieux ? le restaurant en étage de la Villa Santi http://www.villasantihotel.com/ si possible en terrasse. Mais celui d'en face, Les Trois Eléphants ou peut-être Les Trois Nagas, a aussi sa terrasse en étage alors...
Vous y mangerez français ou asiatique. C'est chic, un peu snob et bien sûr un peu cher sans laisser vraiment un souvenir gastronomique inoubliable, mais on y va plutôt pour l'atmosphère. Néo-coloniale ?
Juste à côté du restaurant L'Eléphant (de bonne réputation mais cher), Couleur Café, sur fond de jazz est une adresse plus raisonnable dans le genre branché - sympa. Il a même une critique dans le NY Times : c'est dire ! http://travel.nytimes.com/travel/guides/asia/laos/luang-prabang/restaurant-detail.html?vid=1154654648200

Mais pour une vraie expérience culinaire, pour goûter la vraie cuisine laotienne, une seule adresse : Le Tamarind, en face du Vat Nong. Délicieux petit restaurant où la composition de chaque plat vous est soigneusement expliqué et si vous ne parvenez pas à choisir, optez pour une des assiettes de dégustations ! Quant aux jus de fruits frais, quel régal ! Et si vous allez y prendre un verre sur le coup de 5 heures de l'après-midi, vous entendrez, depuis la terrasse, psalmodier les moines !

Pour se loger ? l'embarras du choix ! Il y a bien sûr la Maison Souvannahom, ancienne résidence d'un prince, mais c'est plutôt l'endroit que l'on va voir pour sa déco - superbe effet de couleurs dans la salle à manger : verres rouges, serviettes noires sur vaisselle blanche ! et très bel accrochage de photos dans le hall d'acceuil - ou pour y prendre un verre au bord de la piscine.

Mais la maison Souvannaphoum étant à l'opposé de mon quartier d'élection, j'ai préféré la très modeste Amata guesthouse, extraordinairement bien située et dont les propriétaires sont absolument charmants.

Avantage supplémentaire, il suffit de sortir sur la terrasse pour assister au défilé matinal des moines mendiants ! Pas de petit déjeuner, mais un nouveau bâtiment est en cours de construction qui doit bientôt abriter un café. Les murs sont en papier (en bambou plutôt!) ce qui permet de vivre en symbiose avec les bruits de la rue et d'être réveillés, à 6 heures du matin par un étrange bruit : pong, pong, pong, pong, assez régulier... deux gamins qui dans la rue s'entraînent au badminton ! Mais je préfère ce bruit à celui des voitures....

Des adresses de shopping ? pas le temps aujourd'hui : il faudra attendre ... le prochain billet ?




06 avril 2007

Luang Prabang en livres

Si j'ai réussi à vous faire partager mon intérêt pour cette ville, voici deux livres qui devraient vous plaire.

Le premier, simplement intitulé Luang Prabang est l'oeuvre de quatre jeunes gens passionnés : Thomas Renaut pour les photos; Francis Engelman pour le texte et les légendes, Jean-Christophe Marchal et François Greck pour les croquis. Le livre est publié par les Editions d'Indochine dans la collection Capitales de Légende. Il est peut-être difficile à trouver. Mais voici le site de l'éditeur qui vous permettra de découvrir d'autres titres de la collection.
http://www.asaeditions.com/html/capitales.htm

Le second, Luang Prabang, an architectural journey est une oeuvre collective qui reprend certains des "documents visuels et techniques" qui ont servi à constituer le dossier qui a permis d'inscrire Luang Prabang sur la Liste de l'Héritage Mondial de l'Unesco. Il est publié - en anglais - aux Ateliers de la Peninsule dont voici le site :
http://www.peninsulasgroup.com/webcontent/001/... et voici la page du livre qui correspond à l'une de "mes" trois maisons

Les deux livres font partie des "beaux livres intelligents" : photos superbes, dessins fouillés, textes brefs mais suffisants, informatifs sans être austères, mise en page dynamique et agréable à l'oeil. Un régal.

05 avril 2007

Architecture coloniale




Luang Prabang est définitivement une ville pour les amoureux de l'architecture, car à côté des pagodes bouddhistes dont j'ai déjà parlé il y ces grandes bâtisses qui datent de l'époque coloniale qui ont l'air de vieilles demeures provinciales, maisons de notables, spacieuses, élaborées, avec parfois quelque chose d'un peu asiatique : une corniche relevée, un fronton alambiqué, un porche ...
Certaines, protégées par l'Unesco, ont été restaurées; elles ont changé de fonction et abritent désormais boutiques, hôtels ou restaurants. D'autres, à l'abandon, sont restés en l'état, décaties, rongées par l'humidité, au bord de la ruine. Les jardins sont envahis par les ronces au milieu desquelles se glisse parfois un bougainvillé.

Ce sont elles qui ont ma préférence.
Car elles permettent de rêver, d'imaginer... de se souvenir des fêtes, des réceptions ou des disputes dont leurs murs ont été les témoins. De se demander par quel bout on commencerait si on avait la charge de les restaurer. Faut-il garder sur les murs ce jaune un peu fade ? Et le flamboyant qui a trop poussé faudra-t-il l'abattre pour redonner aux pièces du haut un peu de luminosité ? Et l'escalier, moussu et branlant, pourra-t-on le conserver ?










Si j'avais eu des euros, des dollars, des baths ou des kips plein mes poches, j'aurais acheté trois maisons à Luang Prabang. Une blanche, juste en face de l'Amata, notre petite "guesthouse", la rose tout au bout de la rue avant d'arriver au Vat Xieng Thong et puis la jaune dans la rue perpendicualire à côté de la galerie du jeune photographe qui vient de s'installer.

Si vous passez par Luang Prabang, soyez gentils, dites-moi ce que ces maisons sont devenues !

04 avril 2007

Les pagodes de Luang Prabang

Dans notre souvenir, c'étaient les plus belles pagodes du monde : fines, élancées, délicates...dorées à l'or fin : de vraies feuilles d'or que les fidèles achetaient par piété, apparemment plus soucieux d'orner l'habitat de leurs dieux que de remplir leurs ventres. Rouge, noir, or. Trois couleurs seulement. Pas de monstres, pas de grotesques mais des Apsaras, des fleurs stylisées, des motifs appliqués au pochoir sur les colonnes qui soutenaient les temples.
Comme sur cette vieille diapo de 1974 !


Aujourd'hui, les pagodes sont toujours là.

Un temps abandonnées pour cause de différent idéologique, elles ont été réouvertes lorsque le Laos est passé à un régime communiste "allègé".
Certaines ont été restaurées, grâce aux efforts conjugués de l'Unesco et de bienveillants donateurs, souvent des Laotiens expatriés.
D'autres restaurations sont en cours ...

Pourtant l'éblouissement n'est plus le même !
Notre regard s'est-il blasé ?
Je ne crois pas.
Il y a, à Luang Prabang plus de 25 pagodes : Vat Xieng Thong, Vat Visunarat, Vat Aham, Vat That Luang, Vat Maisuvannaphumaham, Vat Manolom, Vat Xieng Muan, sans oublier les temples du Phus Si, la colline qui domine la ville : de quoi tourner la tête à n'importe quel amoureux de l'architecture bouddhiste.
Mais celle qui a ma préférence, celle qui m'a vraiment émue se trouve de l'autre côté du Mékong, dans le village de Xieng Maen dont elle porte le nom. Elle n'est ni plus grande, ni plus vieille, ni plus prestigieuse que les autres : mais lorsque la vieux moine qui en a la charge a sorti de sa poche une très grosse clef et poussé les deux battants de la porte, dans l'instant, j'ai retrouvé tout ce dont je me souvenais et que j'aime tant : une forêt de colonnes noires et or, dans un ensemble rouge sang. Simple, modeste, éblouissant.
Et puis, il faut bien le dire, nous étions seuls ...

02 avril 2007

Lundi classique : Eschyle

Pourquoi Eschyle ?
Parceque s'il n'est pas le premier et le plus ancien des auteurs tragiques, il est le premier et le plus ancien des auteurs tragiques que nous connaissons et parce que j'aime bien le principe des textes fondateurs. Comment tout cela - la littérature, le théâtre, la culture ... - a-t-il commencé ?
Et pourquoi Prométhée enchaîné ?
Parce que le mythe de Prométhée est justement le mythe fondateur de la culture occidentale.
- C'est vrai, tu nous en a déjà parlé. C'était... c'était... à propos d'Hésiode non ?
- Gagné ! Et ce qui est intéressant, c'est de comparer les différentes versions du mythe.

Si tu as lu la pièce, tu as très vite repéré son fonctionnement qui n'a pas grand chose à voir avec celui des tragédies du XVIIe; ce n'est qu'une succession de scènes toutes construites sur le même modèle : Prométhée face à un autre personnage. Les uns, Héphaïstos et Hermès, sont plutôt du côté de Zeus; les autres Océan et Io, plutôt du côté de Prométhée. Quant au choeur, il sert essentiellemet de groom (celui qui tient la porte ouverte pour faire entrer un nouveau personnage), mais un groom qui n'hésite pas à donner son avis et à faire des commentaires.

L'histoire en quelques mots ? Prométhée est puni parce qu'il a commis une double faute : en essayant de protéger les hommes, il s'est révolté contre Zeus. Le châtiment est à la mesure de sa faute : effroyable !

Mais voyons de plus près comment Eschyle présente la "faute" de Prométhée.
Zeus avait entrepris de faire de l'ordre chez lui, en attribuant à chacun tel ou tel privilège. Mais rien pour les mortels. Pire il voulait en faire disparaître la race tout entière pour en faire naître une nouvelle - décidément une manie chez les dieux ! Prométhée, pris de pitié, s'y oppose.
"Mais peut - être as tu poussé la bonté plus loin encore ? " s'interroge alors le Coryphée, qui connaît son Prométhée.
" Oui, j'ai mis fin aux terreurs que la vue de la mort cause aux mortels. " avoue fièrement le protecteur des hommes qui précise : "j'ai logé en eux d'aveugles espérances." et reconnaît deux lignes plus loin "J'ai fait plus encore : je leur ai donné le feu." Prométhée, comme tu le vois, a fait des hommes, "des êtres doués de raison et de réflexion." et c'est pour cela qu'il est puni !
Le message est clair, il est le même que celui d'Epicure; il est le même que celui d'Homère ! C'est parce qu'il prenait le temps de réfléchir qu'Ulysse a survécu à l'Odyssée; c'est parce qu' il utilise les lumières de la raison pour expliquer la nature des choses qu'Epicure a permis aux hommes de ne plus avoir peur de la mort. C'est toujours le même fil que l'on tire pour essayer de sortir l'humanité de sa fange.
Plutôt fierot le Prométhée. Pas très content du supplice qui l'attend, mais il n'entend pas pour autant renoncer à son combat. Et lorsqu' Hermès se présente pour faire exécuter la sentence, Prométhée revendique non seulement son geste mais annonce la chute du tyran : "[...] qu'il lance la flamme dévorante, qu'en déchaînant la neige à l'aile blanche et les tonnerres souterrains il confonde et bouleverse le monde entier, rien de tout cela ne me fera fléchir et je ne lui révèlerai point par qui il doit être renversé du pouvoir. "

- Dis, ça rappelle pas un peu Molière ?
- La fin de Don Juan ? Oui, tout à fait ! Le même fil encore et toujours, qui va de l'un à l'autre. Tu pourrais penser aussi à l' Antigone d'Anouilh... Rien que des emmerdeurs ! Pas contents du monde tel qu'il est et qui le font savoir. Des empêcheurs de tyraniser en rond. Ou simplement des gens qui posent les bonnes questions, celles qui dérangent.
Mais pour en revenir au Prométhée d'Eschyle, écoute ça :
"Dès lors, que la tresse de feu à double pointe soit lancée sur moi, que l'éther soit ébranlé par la foudre et la rage des vents sauvages; que leur souffle, secouant la terre, l'arrache de ses fondements, avec ses racines; que la houle bruyante et rude des mers confonde dans le firmament les orbites des astres et qu'il précipite mon corps au fond du ténébreux Tartare dans les tourbilllons d'une impitoyable contrainte : en tout cas, il n'arrivera pas à faire mourir le dieu que je suis. "
Belle période oratoire, non ?
- Superbe exemple de réthorique en effet, mais surtout quel défi lancé à la face de Zeus.
- D'autant plus que jusqu'au dernier moment Prométhée ne cède pas : alors même qu'il est foudroyé, il prend le ciel à témoin pour dénoncer le caractère injuste du châtiment qu'on lui inflige : "Voilà donc la rafale que Zeus, pour m'épouvanter, déchaîne ouvertement sur moi. O ma vénérable mère et toi, Ether, qui fais rouler autour du monde la lumière commune à tous, voyez-vous quel traitement inique on m'inflige. "
Tu vois, c'est ce que j'aime dans cette pièce. Eschyle fait de Prométhée un super-héros et prend soin de lui laisser le dernier mot. Alors que, si tu t'en souviens, Hésiode fait de Prométhée une victime puisque "malgré tout son savoir, la contrainte d'un lien terrible le tient." La défaite de Prométhée illustre dans ce cas, l'idée que "le mal est sans remède" ou bien encore qu' "il n'est nul moyen d'échapper aux desseins de Zeus."
- Brrr... pas très optimiste ton Hésiode. Je crois que, tout bien réfléchi, je préfère la version d'Eschyle.
- Moi aussi, mais entre les deux versions, les temps ont changé. Avec Eschyle on s'approche du siècle de Périclès et de l'avènement de la démocratie. Le Zeus contre lequel Prométhée se révolte dans le texte d'Hésiode est le premier des dieux. Celui d'Eschyle est un tyran qui s'est récemment emparé du pouvoir et en use arbitrairement. Le mythe est clairement utilisé ici à des fins politiques. Intéressant non ? et cela confirme assez bien ce que je disais à propos du théâtre antique.
- Ouais, sans doute, mais on peut peut-être s'arrêter là parce que je sens que sinon on va partir du côté d'Arthaud ou de Brecht ou ...
- D'accord ! On attendra un autre lundi classique.