23 août 2008

Françoise Huguier

Immédiatement séduite par les photos de Françoise Huguier exposées à Arles cet été.
Oui mais...
Lorsque je m'interroge sur les raison de cette séduction, les réponses ne sont peut-être pas si évidentes que cela.

Le sujet ? Un appartement communautaire de St Petersbourg dans lequel Françoise Huguier a vécu pendant quelques mois. L'appartement en question est petit, encombré, passablement décati, moche, voire sordide. Mais les photos sont belles : couleurs vives, crues; effets de lumière; cadrage soigné. De belles photos vraiment.


Certains commentaires toutefois laissent entendre qu'il est indécent de photographier ainsi la misère, que le regard posé par le photographe (et le spectateur) s'apparente à du voyeurisme d'autant que dans ce "décor" miséreux Françoise Huguier a photographié des jeunes filles nues.

Je conçois que l'on puisse être gêné et même choqué par ces photos. Pourtant je ne crois pas que Françoise Huguier puisse être accusée de voyeurisme. Sa démarche est plutôt celle du reporter-photographe comme en atteste son parcours professionnel et les sujets qu'elle a traités auparavant. Et dans le cas présent, elle a choisi de louer une chambre dans cet appartement et d'en partager, avec les locataires, les conditions de vie. Pour un temps limité il est vrai, mais elle porte ainsi sur les sujets qu'elle photographie un regard à la fois emphatique et distancié.

C'est ce regard qui lui permet, je crois de trouver la beauté là où elle n'est pas. Et s'il faut lui trouver une caution, il suffira de rappeler le projet baudelairien : "extraire la beauté du mal".
D'ailleurs, n'est-ce pas ce que les plus grands écrivains comme les plus grands photographes ont toujours tenté de faire ? Je pense à Sebastiao Salgado par exemple. J'attends d'une oeuvre d'art qu'elle ait une valeur esthétique, mais j'attends aussi qu'elle nous dise quelque chose de l'état du monde.

Reste la question de la nudité. Pourquoi la nudité de ces jeunes filles nous embarrasse-t-elle ? Parce que ces femmes ne sont pas des mannequins au corps parfait, mais des femmes ordinaires avec des corps imparfaits, trop gros, trop maigres, photographiés dans des poses peu avantageuses, en slip et chaussettes... Pas d'érotisme mais une certaine indécence, celle de la promiscuité à laquelle sont contraints les habitants de cet appartement communautaire. La nudité, à condition qu'elle soit enveloppée d'un voile esthétisant ou dissimulée sous une dénomination mythologique embarrasse moins le spectateur que la vraie nudité. On admire la Venus du Titien; on hurle au scandale devant l'Olympia de Manet.

Bien que je ne le connaisse pas encore très bien, le travail de Françoise Huguier m'intéresse énormément. J'admire en particulier sa capacité à passer d'un sujet à un autre, de reportages à forte dimension sociale, à un travail très sophistiqué sur la haute-couture, sans oublier ce qui relève du récit de voyage, parfois intimiste comme dans J'avais huit ans, reportage réalisé au Cambodge sur les traces de sa propre enfance.

http://pagesperso-orange.fr/francoise.huguier/

Aucun commentaire: