19 décembre 2016

Robert Penn Warren : Les Fous du Roi

D'un livre à l'autre il y a parfois des rapprochements inattendus.
Je venais tout juste de finir le roman de Sinclair Lewis, Impossible ici (cf. mon précédent billet) et j'ai enchaîné avec une roman de Robert Penn Warren qui, étrange coïncidence, s'est lui aussi inspiré de Huey Pierce Long, le gouverneur de Louisiane qui s’était porté candidat aux primaires de 1936 avant d’être assassiné en Septembre 1935. La réputation de ce personnage, traité par ses ennemis de populiste et même de fasciste est pour le moins ambiguë et c’est sans doute cette ambiguïté qui a séduit R. P. Warren et qui m’a personnellement intéressée. 

Ainsi je suis partie dans la lecture de ce roman avec les quelques lignes de la 4e de couverture :
« Meetings et bains de foule … luttes d’influence … coups bas portés aux adversaires ou aux « amis »… histoires de fesses ou d’argent que l’on déterre à l’heure où le bon peuple s’apprête à voter… Nous sommes dans un Etat du Sud au cours des années trente – la politique américaine, décidément a peu changé. » 
et j’ai cru un moment que j’allais trouver un personnage à la semblance de D.T. Ce qui n’est pas tout à fait le cas. 

En effet, bien que centré au début sur Willie Stark, le personnage politique imaginé sur le modèle de Huey P. Long,  le roman se décale assez vite vers Jack Burden, un journaliste, récemment entré au service du « patron », ainsi qu’il le nomme. Un observateur ? un  complice ? en tout cas quelqu’un qui met ses compétences d’historien, mais aussi de négociateur ainsi que ses relations  personnelles au service de son maître. Et c'est cette allégeance qui me paraît en fin de compte constituer le coeur du roman. En effet Jack Burden, narrateur à la première personne, a derrière lui un passé (familial, amical, amoureux) plutôt compliqué qui explique, sans pour autant le justifier, son comportement. 
Le roman donne parfois l’impression d’être construit comme une série d’histoires emboîtées, une construction qui contribue à créer un effet de profondeur, mais aussi de réel car les êtres humains se définissent effectivement par leur passé, par les relations qu’ils entretiennent avec les autres, par leurs désirs, leur faculté à se projeter dans l’avenir. Bref, ce sont des êtres à plusieurs dimensions, pas de simples silhouettes. 
Le récit se déroule dans un Etat du Sud, sans que cet Etat soit vraiment précisé, mais cela suffit à donner une couleur, une tonalité facilement reconnaissable, ne serait-ce que par le poids du passé. Les événements qui sont survenus lorsque le narrateur était enfant ou adolescent conditionnent son présent comme la guerre civile conditionne encore la mentalité sudiste.
Le romancier évite ainsi le piège du roman à thèse pour mieux s'interroger sur les choix que chacun est amené à faire, des choix qui, pour peu qu'il s'agisse de politique, auront des répercussions non seulement sur les individus,  mais sur la société entière.Et c'est bien cela qui fait peur ....

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