04 avril 2017

Ojoloco 2017 : Mémoires du sous-développement

Un film historique, un film "culte" dans les années 70 mais quasiment disparu depuis. Un film soigneusement restauré qui nous replonge dans le cinéma de ces années-là, dans la manière de filmer de ces années-là. Etrange décalage quand on vient d'enchaîner une bonne douzaine de films contemporains venus eux aussi d'Amérique latine.


Le film de Gutierrez Aléa est certainement difficile à appréhender aujourd'hui puisqu'il faut d'abord le resituer dans le contexte politique de l'époque :  les premières années de la révolutions castriste, entre l'épisode de la baie des Cochons et l'affaire des missiles.  Les nantis quittent l'île au plus vite, mais Sergio, dont on va suivre les déambulations dans la Havane, a décidé de rester, par apathie plus que par adhésion à un idéal révolutionnaire. C'est de toute façon à travers la lentille d'une longue vue qu'il observe le monde autour de lui, sans s'impliquer plus que cela, pas plus qu'il ne s'engage dans ses aventures sentimentales. Il y a quelque chose du dilettante en lui : il se laisse porter par les événements, ne construit rien,  reste à la surface des choses, un peu comme les personnages d'Antonioni incapables de communiquer entre eux mais aussi avec le monde.

Et c'est le second décalage du film, tourné comme étaient tournés les films de la nouvelle vague, avec une certaine nonchalance, une façon de glisser d'une scène à l'autre sans lien apparent. On attend sans doute d'un cinéaste comme Gutierrez Alea, un des fondateurs de l'Institut Cubain du Cinéma, un film plus engagé,  plus politique alors qu'il montre tout simplement un individu incapable d'adhérer à quelque idéologie que ce soit. Par excès de lucidité ? Rien n'est moins sûr. Par indifférence peut-être, à moins que ce ne soit pure apathie?  Dans une société qui marque, officiellement du moins, le triomphe du peuple, le triomphe du collectif, l'homme singulier ne trouve plus sa place.

Il y a en tout cas dans ce film quelque chose de suffisamment énigmatique pour que j'ai - déjà - envie de le revoir. Sachant que la perception que je peux avoir aujourd'hui du travail de Gutierrez Alea,  n'a rien à voir avec la réception du film  à sa sortie en 68.

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