25 septembre 2017

Faute d'amour

On ne sort pas tout à fait indemne d'un tel film : c'est un film sombre, très sombre (mais pas un polar pour autant), c'est un film qui dénonce ou qui désespère. Mais c'est vraiment, vraiment un excellent film.
Un peu lent au début, tant qu'il s'agit de mettre en place les personnages, ce couple qui divorce et se dispute pour ne pas avoir la garde de l'enfant. Car Aliocha n'a jamais été désiré et sa présence serait pour le père comme pour le mère un poids dans leur recherche égoïste du bonheur.

L'essentiel est désormais posé : la haine  entre des individus qui avaient pourtant fait le choix de vivre ensemble, et l'égoïsme total, absolu, irréversible de chacun des personnages principaux, qu'il s'agisse de la mère, du père ou de la grand-mère. La vérité c'est que personne ne veut de cet enfant.


Les personnages sont suffisamment forts pour constituer la base d'un film psychologique intéressant et la façon dont le réalisateur les filme tout à fait remarquable. L'enfant est ici montré dans la lumière, sans doute le seul rayon de lumière du film parce que la plupart des scènes sont des scènes de nuit, dans des pièces mal éclairées ou éclairées à contre jour; dehors les arbres sont dénudés, le monde est triste et terne, sans couleur. La première image : un grand arbre dénudé, filmé en contre plan, un regard qui cherche la lumière à travers les branches mortes.
Seul contrepoint à ce monde sans âme, les membres du groupe de recherche qui procèdent avec rigueur et arpentent méthodiquement le terrain pour essayer de retrouver l'enfant disparu. On les voit fouiller un vieux bâtiment en ruine, témoin des fastes de l'ancienne URSS et le film soudain prend une autre dimension; ce n'est plus seulement une tragédie familiale, mais une tragédie politique et sans doute universelle. Lorsque toutes les valeurs qui constituaient la Russie communiste se sont effondrées, comme ce bâtiment, que reste-t-il si ce n'est la quête acharnée du bonheur, un bonheur individuel, matérialiste et, forcément, égoïste : les personnages sont constamment perdus dans leurs portables, et se gavent littéralement de "selfies" : moi, moi et d'abord moi ! Belle réflexion sur la perte des valeurs et les excès de l'individualisme dans la société occidentale.

A ses précédent films, déjà très remarqués, Le Retour, Elena, Léviathan (et Le Bannissement que je n'ai pas vu),  Andrey Zvyagintsev en ajoute un nouveau, que j'ose pour ma part qualifier de chef-d'oeuvre ! Et si l'on sort de la salle un peu sonné, c'est peut-être parce qu'au fil de son oeuvre, le regard du cinéaste, bien que toujours aussi juste, se fait de plus en plus désespéré.

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