08 janvier 2018

Lucky


Heureuse surprise que ce film de John Caroll Lynch à côté duquel j'ai failli passer. Et cela aurait été vraiment, vraiment dommage !

Lucky est un film étonnant, insolite, bizarre, inattendu, touchant, drôle, léger et pourtant profond puisqu'il ne s'agit de rien moins que d'aborder la fin de la vie.

Lucky, qui donne son nom au film, est un vieux cow-boy qui trimballe sa silhouette dégingandée dans une petite ville du fin fond du Texas ou de l'Arizona en tout cas un lieu désertique où les tortues se perdent. Du cow-boy il a la panoplie complète, mais l'a-t-il jamais été ? Peu importe parce ce que désormais ce qui importe c'est son quotidien, la routine qui le rassure parce qu'elle ressemble à l'éternité : toilette, exercices de yoga, arrosage du cactus, traversée de la ville jusqu'au restaurant où il a ses habitudes, où on lui apporte son café juste comme il aime, où il passe la matinée à faire ses mots croisés,  bouteille de lait achetée à l'épicerie mexicaine, le juron lancée chaque jour au même endroit le retour à la maison pour ne pas manquer ses émissions préférées... une vie faite de petits riens,  d'habitudes rassurantes, d'amitiés solides puisque dans ce coin perdu tout le monde se connaît.

Lucky fume comme un pompier, mais même son médecin lui dit que cela ne vaut pas la peine d'arrêter. A 90 ans, les jeux sont faits.  Malgré les perspectives - ou plutôt l'absence de perspectives ! - Lucky n'est pas un film triste, ni même déprimant. C'est au contraire un film lumineux, ensoleillé - après tout on est dans le Sud des Etats-Unis. Un film enjoué ! Qui repose essentiellement sur l'acteur qui incarne le personnage de Lucky et qui fait à lui seul tout le charme du film : Harry Dean Stanton. Sa silhouette, sa démarche, son regard malicieux, son sourire, surtout son sourire. L'habitué des seconds rôles trouve là, pour son dernier film, un fantastique premier rôle.

Lucky est un des ces films rares, un film subtil qu'il ne faut pas manquer, un film que j'ai l'intention de revoir au plus vite pour en savourer chaque moment, chaque phrase, chaque détail.
Et puis j'aimerais confirmer mes hypothèses, car le film de John Caroll Lynch, sous ses dehors désinvoltes, est plus audacieux qu'il n'en a l'air puisqu'il suggère que l'être humain n'a pas besoin pour vivre de perspectives eschatologiques. Mais parler d'immanence ou de transcendance à propos de ce film serait l'alourdir; laissons lui sa légèreté, la suprême élégance de l'âme tragique.

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